Pour améliorer le pilotage du rationnement et limiter les marges de sécurité en formulation qui peuvent représenter des pertes économiques, Inzo mise sur l’utilisation du critère protéine digestible. La protéine idéale n’est pas encore décrite parfaitement pour toutes les espèces et tous les acides aminés ne sont pas encore disponibles ou autorisés, mais la protéine digestible semble être un bon compromis pour limiter les sécurités abusives et améliorer le coût des formules à la recherche de performances toujours mieux maîtrisées.
Pour Anne-Charlotte Genest, formulatrice au pôle Ouest à la station de Saint-Nolff, « en volailles, l’arrivée sur le marché des drèches de blé et de maïs a permis aux formulateurs de disposer de sources de protéine plus abordables, intéressantes notamment en label car considérées comme une céréale et issues ». La tendance est clairement à l’augmentation de l’usage de cette matière première mais Inzo s’est demandé si l’animal valorisait de la même manière un point de protéine de drèche qu’un point de protéine de tourteau de soja.
« Les protéines sont nécessaires pour obtenir de bonnes performances mais en excès, outre la perte économique qu’il représente, elles entraînent des rejets dans l’environnement, des dégradations de litière, des problèmes de pododermatites. »
Le juste équilibre en volailles
Les coefficients de digestibilité utilisés par Inzo, pour calculer les protéines et acides aminés digestibles, viennent de tables européennes retravaillées avec l’Inra et développées grâce à des essais de digestibilité menés sur les 28 coqs de la station de Saint-Nolff. « Ces animaux sont privés de leur caeca qui est le lieu de fermentation où se remanient les protéines, ce qui affecte les valeurs de digestibilité au final. Le test est effectué sur 4 groupes de 3 coqs, avec des méthodes reproductibles comparables à la méthode de l’Inra. Les échantillons sont broyés. Cela permet d’augmenter la taille des particules améliorant ainsi la digestibilité. Puis les analyses sont effectuées sur fientes séchées ou lyophilisées. » Le choix du coq s’explique par la moindre variabilité des résultats de digestibilité sur cette espèce mature qui a fini sa croissance. « Il est également moins coûteux de travailler avec des coqs, réutilisables, que d’entretenir un lot de poulets qu’il faut renouveler pour avoir toujours des animaux aux mêmes âges et qu’il faut opérer pour ôter les caeca. » Ces coqs testent environ 80 matières premières par an. Quatre semaines suffisent pour effectuer les tests, ce qui permet à Inzo d’alimenter une large base de données, créée en 1991 et qui contient 850 CUD de protéines.
![Anne-Charlotte Genest et Olivier Amador du service volaille.]()
Anne-Charlotte Genest et Olivier Amador du service volaille.
De ces multiples analyses, Inzo conclut que les protéines digestibles du tournesol hi-pro sont assez proches de celles d’un tourteau de soja, alors que celles du tourteau de colza sont plus dégradées. Les digestibilités des drèches de maïs sont variables selon les process dont elles sont issues : plus la matière première est sombre, plus le taux de lysine sur protéine est bas et moins il y a de lysine, moins elle est digestible. « Cela s’explique par la cuisson qui entraîne des réactions de Maillard qui rendent moins disponibles les acides aminés, décrit Anne-Charlotte Genest. Une mesure Promatest permet de doser les protéines thermosensibles des drèches de maïs : plus il reste de protéines thermosensibles, moins le choc thermique reçu lors du process était important. Cette valeur de Promatest est corrélée à la valeur de digestibilité de la protéine : plus le choc thermique est important plus la digestibilité est affectée. »
Sur la moindre digestibilité du tourteau de colza, elle émet l’hypothèse que c’est une toute petite graine dotée d’une coque résistante qui subit un process d’extraction plus sévère susceptible de dégrader la digestibilité ; la sévérité de ce process se traduit d’ailleurs dans la matière grasse résiduelle, plus importante dans le tourteau de colza que dans celui de tournesol ou de soja.
Poulets et pondeuses en protéines digestibles
Céline Guérini, du service volaille et responsable de la formulation pour pondeuses et reproducteurs, a dévoilé la volonté de la firme-services en matière de formulation : « Nous souhaitons passer d’une formulation en protéine totale à une formulation en protéine digestible. La protéine totale n’est plus assez précise mais la description de l’ensemble des acides aminés digestibles est longue et coûteuse et donc non abordable à court terme : entre les deux, la formulation en protéine digestible semble un bon compromis. Il permet de mieux prédire la performance. »
Certains s’affranchissent déjà du critère protéine totale et formulent en acides aminés digestibles : « C’est possible sur des régimes de types anglo-saxons, maïs/soja/huile, dont le niveau de protéine ne varie pas beaucoup et est suffisant pour apporter les acides aminés secondaires. Mais dans notre contexte français, vu nos sources de matières premières et leur prix, c’est moins vrai. Si nous ne maintenons pas le critère protéine totale, on risque d’abaisser le niveau des acides aminés secondaires et grever les performances. »
Pour comparer les nutriments protéine totale et protéine digestible, Inzo a mené des essais et notamment croisé 6 régimes en augmentant la protéine totale de 15, 16 et 18 points avec, pour chacun, des taux de protéine digestible stable quand le niveau de protéine augmente et en hausse quand le niveau de protéine totale est stable. « Le premier élément de performance qui varie en pondeuse, selon le niveau de protéine, est le calibre de l’œuf : le poids moyen répond toujours à l’augmentation du taux de protéine digestible dans l’aliment. Par contre le taux de protéine totale n’entraîne pas toujours une réponse sur le calibre, c’est moins précis », constate Céline Guérini. Au fil des essais, Inzo montre que la corrélation entre le poids moyen d’œuf est toujours meilleure sur la protéine digestible que sur la protéine totale. La masse d’œuf qui dépend du calibre répond pareillement à la protéine digestible.
Inzo a ensuite effectué une synthèse de plusieurs essais pour valider des lois de réponse à la variation en protéine digestible en fonction des âges : « Avant 32 semaines d’âge, une variation d’un point de protéine digestible impacte de 0,7 g le calibre de l’œuf. Au-delà de 32 jours, l’impact est moindre et un point d’ingéré de protéine digestible abaisse de 0,56 g le calibre. » Les traitements les plus élevés en protéine digestible peuvent avoir des effets sur les poids vifs : « L’excès de protéine, qui n’est pas exporté dans l’œuf, est dévié sur le métabolisme énergétique », explique Céline Guérini.
En poulet, c’est Olivier Amador, responsable du service volaille de chair qui a fait le point sur le nutriment protéine digestible. Il commente une série d’essais mettant en œuvre des régimes iso-énergie, iso-lysine digestible et contrôlés jusqu’au tryptophane qui diffèrent selon leur niveau de protéine digestible : de 15,5 % à 18,2 %. « À moindre niveau de protéine digestible, les ratios sont dégradés en arginine, valine et isoleucine. Ces acides aminés ont été rajoutés séparément puis ensemble jusqu’à rejoindre les niveaux du témoin positif pour aboutir à un aliment équivalent en niveaux d’acides aminés, ne différant que dans le niveau de protéine digestible, décrit-il. Au final, les performances zootechniques générées par ces régimes sont très différentes et n’équivalent jamais le GMQ du témoin positif : il existe peut-être un autre acide aminé limitant ? Ou bien un besoin en protéine indifférencié auquel on ne répond pas ? », s’interroge-t-il.
La protéine indifférenciée, mais digestible, est le carburant du turnover protéique chez l’animal. Ce turnover n’est pas négligeable car le ratio entre protéine dégradée et protéine synthétisée est de 30 % : le métabolisme est important et son besoin en protéine indifférenciée. Deux essais, sur poulet standard, avec deux souches différentes, ont permis d’évaluer le besoin en protéine indifférenciée sur la phase 0 à 20 jours : « L’optimum exprimé en ratio lys dig/protéine dig est de 6,4 % pour une souche et 5,9 % pour l’autre. Cela représente plus d’un demi-point de protéine d’écart entre les souches. Nous devons explorer la phase 20 à 35 jours et nous interroger sur les besoins des poulets labels. »
Ce besoin en protéine digestible indifférenciée n’exclut pas l’idée d’autres acides aminés limitants : le prochain à l’étude sera la glycine, cet acide aminé décrit comme non essentiel mais dont la synthèse peut être insuffisante chez les animaux d’élevage. « Il s’exprime en glycine+sérine/lysine, explique Olivier Amador. La bibliographie montre que le ratio courant en formulation, inférieur à 130-140, entraîne une dégradation des performances et que le niveau optimum serait supérieur. La glycine de synthèse n’est pas disponible mais on peut tenter de le piloter dans les formules, voire se préparer à son arrivée. »
Concernant les autres espèces de volailles, il cite un article de la bibliographie qui compare la digestibilité des acides aminés et de la protéine chez des poulets, canards et dindes : quelle que soit la matière première, le canard (Pékin en l’occurrence) obtient des coefficients d’utilisation digestive significativement inférieurs. « Utiliser des CUD, calculés sur le poulet, pour un canard le pénalise vraisemblablement », conclut-il donc. Inzo a donc entrepris un essai sur les canards de Barbarie avec des aliments différents selon leurs taux de protéine totale ou digestible afin de valider la nécessité de déterminer des CUD spécifiques au canard. Ce sujet est également à l’étude en mulard.
(...)
Françoise Foucher
Retrouvez l'intégralité de l'article dans la RAA 685 avril 2015
The post Inzo° : la protéine digestible au cœur de la formulation appeared first on La Revue De l'Alimentation Animale.